Axel et Andreas forment une paire de cyclistes hors norme. Le terme « impossible » ne fait pas partie de leur vocabulaire. Pour preuve en est le début de l'année 2017 : ce duo de Niçois décide de tenter de battre le record du monde de la traversée de l'Amérique du Sud en vélo. Sont-ils fous ? Assurément. Peuvent-ils y arriver ? Peut-être. Y sont-ils arrivés ? Lisez plutôt…..

La morsure Sud-Américan.

LA CORDILLÈRE DES ANDES EN COLOMBIE ET EN ÉQUATEUR


J'attendais de parcourir à nouveau ces terres depuis ma première traversée de l'Amérique du Sud en vélo en 2015. Je me suis entraîné dur pendant une année sur la côte d'Azur avec Andreas, mon ami et compagnon d'aventure. Lors de nos entraînements, je ne manquais jamais une occasion de lui décrire ce sentiment extraordinaire de pédaler sur ce continent.

La morsure Sud-Américan.

Le 1er janvier, à 5h45 du matin, nous avons quitté le poste de Police de Carthagène (Colombie) pour tenter de battre le record du monde de la traversée de l'Amérique du Sud par la côte. Objectif : Ushuaia (Argentine), en moins de 58 jours. Physiquement, nous étions prêts. Nos vélos devaient nous permettre de passer des journées entières dessus et nous avions tout le matériel qui nous semblait utile pour affronter des conditions climatiques extrêmes. Dans les Andes, nous avons rapidement compris que ce matériel ne serait pas de trop.

Notre départ depuis la Colombie fut comme embrasser l'être aimé à l'aéroport, avant de partir pour un long voyage : un baiser chaleureux, délicieux et inoubliable.
Ce pays a tenu toutes les belles promesses qu'il m'avait faites en 2015. Nous avons eu notre lot de panoramas montagneux spectaculaires avec la traversée de la côte caribéenne jusqu'à la région tropicale de Dabeiba dans les Andes. Les Colombiens nous ont accueillis comme des enfants du pays (il nous fallait parfois une vingtaine de minutes pour dire au revoir à tout le monde après notre pause déjeuner !).

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Nous avons également compris pourquoi Nairo Quintana a de telles jambes : la Colombie recèle certaines montées bien piquantes.
L'état des routes et le climat tropical obligeraient n'importe quel Européen qui s'attaquerait à ces ascensions à s'arrêter dans tous les bars pour demander un de ces jus dont ils ont le secret ou même de l'aguapanela (eau et jus de canne à sucre).

Ces jus de fruits frais ont un goût de paradis, le meilleur carburant qui soit pour remplacer toute l'eau que nous perdions. Nous avons dû apprendre à faire avec cette chaleur accablante, et à réparer un câble de Di2 que nous avons littéralement déchiqueté. Nous avons également eu la chance de pouvoir traverser un tunnel interdit aux vélos grâce à un Colombien compréhensif.

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Lorsque nous avons traversé la ligne de l'équateur dans le pays éponyme, la température a chuté de 35º à 8º en une journée. Le soleil n'arrêtait pas de jouer à cache-cache derrière les volcans. Pendant quelques heures, nous avons pu admirer le sommet du Cotopaxi derrière les nuages avant d'entreprendre notre dernière montée dans les Andes pour atteindre la « Ruta del Sol » sur la côte équatorienne.

Rouler le long de cette côte avait quelque chose d'une chevauchée à la Mad Max.
La piste cyclable de 30 cm de large était truffée de trous, de pneus crevés et de cadavres d'animaux en tout genre. Nous avons passé plusieurs jours à zigzaguer entre ces pièges et à pester contre les chauffeurs de poids lourds qui semblaient vouloir se frotter aux roues de nos vélos Open U.P. À la fin de chaque journée, nous nous regardions, heureux d'avoir une fois de plus survécu à cette pagaille ! Le désir de rejoindre la frontière péruvienne se faisait chaque jour plus pressant, surtout avec cette pluie équatorienne qui nous trempait de la tête aux pieds !

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LES LEÇONS DU PÉROU ET DU CHILI


En une seule journée, les pluies diluviennes et les champs de bananiers ont laissé la place au désert péruvien.

En 2016, j'avais parcouru toute la côte du Sud au Nord pour préparer la course IncaDivide. Vous ne devinerez jamais : conduire était bien plus simple.
Imaginez un désert hostile de 2 400 km de long, avec des côtes qui semblent interminables, un vent de tête incessant et certaines portions de plus de 120 km sans croiser âme qui vive. Les choses se sont même sérieusement gâtées lorsque nous avons souffert des intoxications alimentaires, des déshydratations sévères et des crampes. Croyez-moi, face à tous ces éléments, on commence à se questionner sur Dieu et même à l'invoquer pour obtenir un peu d'aide en pédalant.

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Je peux affirmer sans me tromper que j'ai mené mon corps au-delà de ses limites pendant les 12 heures et demie qu'a duré cette traversée du creuset péruvien.
Andreas n'arrêtait pas de dire que le « Pérou était censé être facile ». Maintenir notre objectif de 200 km quotidiens s'avérait très difficile. Nous avons finalement fait la paix avec le Pérou une fois la ville de Nazca passée, au sud du pays : les montées en bord de mer y sont spectaculaires et les couchers de soleil à couper le souffle. Et pour nous rappeler qu'il ne faut jamais sous-estimer ce pays, nous avons affronté le vent de tête le plus fort de tout le périple sur un tronçon de 35 kilomètres juste avant la frontière chilienne.

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Mais le plus difficile de cette aventure était encore devant nous : le désert d'Atacama et les trois cols du Paso de Jama, tous à plus de 4 800 mètres d'altitude. Nous avons dû puiser au plus profond de nous-mêmes pour traverser le désert le plus aride de la Terre.

Malgré le vent dans le dos et le beau temps (mise à part une tempête de neige infernale à 4 600 m d'altitude), le tristement célèbre Paso de Jama fut effectivement la plus difficile de toutes les ascensions : raide, longue, élevée, isolée... En un mot : parfaite ! Le plus dur était de ne pas s'arrêter toutes les 5 minutes pour prendre une photo de ces terres désolées, inhumaines, et de l'incroyable volcan Licancabur. Peu de cyclistes ont eu le privilège de rouler ici. Nous nous sommes donc délectés de chacun de ces kilomètres.

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Lors de notre première montée dans le désert de l'Atacama, il nous est arrivé une anecdote amusante. Alors que nous approchions d'un camion garé à mi-chemin de cette montée de 1,5 km, nous ne pouvions en croire nos yeux : le fameux camion portait les noms « Axel et Andres » ! Incroyable ! Nous étions littéralement au milieu de nulle part, en train de monter un col qui n'en finissait jamais sous une température de 42º et là, devant nos yeux, un camion flanqué de nos deux noms ! C'était un signe. Il était clair que nous allions battre ce record du monde.

Notre premier arrêt dans une pharmacie chilienne fut une franche partie de rigolade. Le couple de propriétaires prît soin de nous comme si nous étions sur notre lit de mort. De fait, leur diagnostic était sans appel : je m'étais trompé d'antibiotique pendant plusieurs jours, ce qui me provoqua la pire diarrhée de ma vie.

Nous étions tous les deux déshydratés à 99 %... d'où les crampes. Andreas a même dû s'acheter de nouvelles lunettes de soleil car ses yeux semblaient tout droit sortis d'un film de zombies.
Cette nuit là, nous nous sommes arrêtés plus tôt que prévu pour prendre soin de nous. Gatorade, pizzas, le bon antibiotique et le tour était joué !

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LA LOTTERIE ARGENTINE


Il nous restait 4 500 km à parcourir, mais dans un seul et unique pays : cela permet de se rendre compte de l'immensité de l'Argentine ! Notre entrée dans le pays commença par des maux d'altitude et des siestes éclairs sur le bas côté de la route.

Une fois la ville de Salta passée, nous avons accéléré. Jusqu'à cette étape de notre parcours, nos journées se résumaient plus à moins à couvrir la distance voulue sans faire d'efforts exagérés, ni physiquement ni mentalement. Et jusque-là, nous avions pratiquement toujours réussi.

L'Argentine a béni nos jambes dans la traversée de la Quebrada de las Conchas et entre les vignobles de Cafayate.

Nous étions aux anges en traversant ces tronçons aux paysages incroyables. Les montagnes de la cordillera sont époustouflantes et ses couleurs absolument uniques.
Mais l'Argentine est aussi réputée pour son vent. Celui-ci nous attendait après ce jardin d'Eden. Nous avons passé quelques jours sur la légendaire Autoroute 40 qui traverse le pays du Nord au Sud. Nous étions fatigués de ce vent qui nous fouettait le visage et qui nous laissait en bouche un goût de plus en plus amer. Nous avons finalement opté pour la côte, histoire de voir si le vent allait tourner.

La morsure Sud-Américan.

Notre pari s'est avéré payant puisque nous avons presque tout le temps pédalé vent dans le dos. Nous avons pu ainsi dépasser les 300 km de parcours pendant plusieurs jours. Le seul inconvénient fut le paysage : regarder tourner nos roues était plus intéressant que ce que la Pampa argentine avait à offrir visuellement.

En 2015, l'arrivée à la Terre de Feu manqua un peu de panache après huit mois dans les Andes. Cette fois, ce devrait être différent. Plus nous approchions du but, plus nous étions convaincus qu'il fallait pimenter la chose : chaque journée devait être un plus grand défi que la précédente.

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En 2015, l'arrivée à la Terre de Feu manqua un peu de panache après huit mois dans les Andes. Cette fois, ce devrait être différent. Plus nous approchions du but, plus nous étions convaincus qu'il fallait pimenter la chose : chaque journée devait être un plus grand défi que la précédente. Ce petit délire nous a menés à totaliser 417 kilomètres en une journée dans la Terre de Feu, et à traverser toute l'île en seulement 24 heures. Nous avons dû faire face à un air chargé d'humidité et à des températures négatives la nuit afin de pouvoir voir un dernier lever de soleil en arrivant aux baraques en bois de la ville d'Ushuaia, à seulement quelques coups de pédale de la caserne de pompiers où notre arrivée fut constatée.

Cette arrivée restera gravée dans nos mémoires comme l'une des plus grandioses de nos vies... jusque-là…

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