Sept générations de la famille Tosan ont cultivé les citrons sur le versant des montagnes des Alpes-Maritimes qui plongent sur la Méditerranée dans la baie de Menton. Sept générations, c’est du moins ce que savent les propriétaires actuels Sylviane et Jean-Claude car il n'a pas été possible de remonter plus loin. Cela signifie qu'ils cultivaient déjà des citrons lorsqu’ils étaient destinés à des fins médicinales plutôt que gustatives. Les Tosan fournissaient les fruits aux bateaux afin de soigner les marins du scorbut lorsqu'ils arrivaient au vieux port, à quelques kilomètres en dessous de leur terroir.

Les Producteurs de Citrons du Col de la Madone

Jean-Claude, patron de 72 ans de cette exploitation de citronniers, a commencé à faire du vélo dès l'adolescence. Comme pour beaucoup, il a commencé à faire du vélo par nécessité – pour se rendre à l'école – puis c'est devenu l’obsession de toute une vie. Il a participé à toutes les courses locales, y compris Les Courses Disparues comme la Boucle de Sospel. Mais lorsqu'on lui demande quel est son parcours de rêve, sa femme répond 'l'autoroute'. Parce qu'il aime la vitesse. La vitesse de déplacement actuelle est beaucoup plus lente sur la parcelle qui se trouve juste en dessous des pentes modérées de la Route de l'Armée des Alpes - alias le Col de la Madone.

Les Producteurs de Citrons du Col de la Madone

C'est un terrain en terrasses recouvert d'arbres parsemés d'éclats de zestes de jaune, qui contrastent avec le vert presque toujours présent, mais qui vient percer le paysage d’une couleur plus intense chaque année vers Février. Juste à temps pour la Fête du Citron à Menton qui attire un flux de touristes à chaque fois plus conséquent. Présentations faites, les citrons sont coupés et consommés tels quels, écorces comprises. “Il est très important pour nous de maintenir le savoir-faire de Menton et que la culture du citron ne se perde pas. Il est tellement bon ! Ici on le mange entier avec la peau, comme ça, juste coupé au couteau!”

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Deux niveaux plus bas, sous la maison principale, se trouve la maison où vivaient les parents de Jean-Claude. Elle est restée telle qu’ils l'ont laissé, totalement intacte. Garder cette deuxième maison sur le terrain coûte un peu cher en terme de taxes, mais lorsqu’il a besoin d'un peu d’énergie, Jean-Claude va s'asseoir dans le salon et, comme le dit Sylviane, il revient tel un nouvel homme. Les impôts en valent la peine. Dans le hangar à outils attaché à cette maison se trouve son dernier vélo de compétition - un Colnago des années 90 au complet avec tige ITM à angle négatif et groupe Campagnolo Athena. Il l'a acheté à Monaco où il vivait avant le décès de ses parents et le déménagement inévitable pour l’exploitation familiale.

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Sous ce hangar à outils se trouve le jardin d'Éden... non... de Menton. Nous sommes venus pour en savoir plus sur les citrons. Nous avons trouvé oranges, clémentines, pamplemousses, bananes, thym, olives, kumquats.... La liste se poursuit et Sylviane s'étendra avec passion sur chaque fruit, si vous en avez le temps. Tout cela est possible grâce au microclimat de la baie de Menton. Les Alpes créent derrière elle un écran qui empêche l'air froid de la montagne de passer, généralement emprisonné dans la vallée de Sospel. Orientée plein Sud, l’exploitation bénéficie de la douceur du soleil.

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Mais cela n'a pas toujours été le cas. Les citrons dépendent des éléments de la nature : le terroir - le sol sec et rocheux - et la météo; mais bien sûr il y a aussi l'influence humaine. Dans les années 1960, il y a eu un virus qui a presque asséché tout les territoires de citronniers de la région. La famille Tosan comptait environ 200 arbres. Ils estiment que seulement six d'entre eux ont survécu. Des échantillons ont été prélevés et replantés sur des arbres restants qui ressemblaient apparemment à « la mère Theresa ».

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La terre du citron, avec l'aide d'une petite âme, a permise de tout faire renaître. Et le soleil qui brillait et la brise chaude de la Méditerranée qui soufflait, venait nourrir les fruits. Le citron représente un concentré de soleil. Du moins pour nous. C'est séduisant et incontournable, un peu à l’image de Jean-Claude et Sylviane. Ils croquent la vie à pleine dents, partageant ces archives de connaissances et d'expériences qui n'ont pas été écrites dans des livres mais plutôt vécues sur ces terrasses.

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Jean-Claude est comme tout cycliste lorsqu’on l’interroge sur sa vie à vélo. “J'ai monté à 30kmh !,” alors que la Madone n'est même pas sa montée préférée. Il préfère le Col voisin de Castillon qui rejoint Menton à Sospel. Si vous venez grimper cette ascension, essayez vous à une telle vitesse sur votre poids plume en carbone à 22 vitesses. C'est difficile, voire impossible sur plus d'une minute.

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La vie à la citronneraie peut aussi être difficile. Les Tosan n'ont pas fait une bonne récolte l'année dernière. Ils continuent à produire dans le cadre de la réglementation bio française qui est très stricte. Le sol et les arbres sont contrôlés chaque année par les autorités. Pour plus de rentabilité, il faudrait une intensité et une méthode qui ne correspondraient ni à l'histoire de la famille, ni à l'esprit de famille. Ce n'est plus durable, la production est donc uniquement naturelle et les récoltes sont vendus sur le marché de Menton.

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Jean-Claude et Sylviane le font par respect pour leurs parents et leurs grands-parents et comme une leçon pour les générations à suivre. Ils savent que dans le monde moderne, ce mode de vie est dominé par d'autres forces. Ils s'adaptent et continuent. Tout comme Jean-Claude mettant son vélo dans le petit van et descendant sur la Côte pour continuer de rouler. Les citronniers de Menton continueront à produire les meilleurs citrons de la région tant que leur métier artisanal traditionnel le leur permettra.

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“Les gens achètent des terres pour se faire de l'argent en les revendant, nous, nous les gardons comme patrimoine pour préserver nos racines. Si nous perdons nos racines nous perdons tout.”