Imaginez un instant qu'il n'y en aurait plus qu'une, une seule sortie. Un seul jour, un dernier chapitre, un dernier tour. De tous les kilomètres parcourus et de toutes les routes montées, qu'est-ce qui vous ramènerait à en faire l'expérience, une toute dernière fois ?
DE L'AUBE AU CRÉPUSCULE SUR LE GRAVIER
Simon Taulelle // Directeur Artistique, Motion Designer & Gravel Grinder // @sims_teuteul
Une dernière sortie doit être festive mais surtout bien organisée pour en profiter au maximum ! J'ai donc des exigences à ce sujet :
1. Elle aura lieu de l'aube au crépuscule, bien sûr
2. Elle ne se fera pas seul mais avec des amis
3. Elle sera parcouru sur des routes de gravier.
4. Le plaisir ne manquera pas, mais l’organisation sera nécessaire pour le maximiser.
L’EMPLOI DU TEMPS
08h00 : Réveil avec une belle vue après un bivouac improvisé la veille.
08h10 : Café avec cette vue.
08h30 : Plier le camp (même pour une dernière échappée, il ne faut pas être pressé...). Ça fait partie du processus.
10h30 : Premiers coups de pédale sur une petite route de montagne.
11h00 : Boulangerie et deuxième pause café dans le premier village que vous traversez parce que.... pourquoi pas !
11h30 : Piste de gravier de première classe.
12h15 : Piste simple parfaite vers un petit village.
13h00 : Brancher les centaines d'appareils qui ont besoin d'être rechargés. Ça fait partie du système.
13h05 : Orgie gastronomique.
14h00 : Digestion pendant l'ascension d'un petit col de montagne.
15h30 : Suivre un chemin de gravier le long de la crête, puis longer le bord d'un lac.
16h30 : Nager dans le lac.
17h40 : Capturer l'instant présent avec des photos. Ça fait partie du processus.
17h45 : Passer en mode NASA en descente.
18h00 : Parcourir les 15 derniers kilomètres sur la route plate comme une équipe de TT et trouver un bar.
19h00 : Trouver un restaurant.
19h10 : Orgie gastronomique numéro deux.
21h00 : Trouver un autre bar.
22h10 : Monter les tentes.
22h30 : Partager des histoires sur cette journée autour du feu de camp.
23h59 : Phase de récupération.
Avec l'expérience, j'imagine que rien de ce qui est écrit ci-dessus ne se passera probablement comme prévu, mais comme je le disais : 'L'important, c'est la substance”
AU BORD DE MER
Matthieu Lifschitz // Illustrateur, Graphic Designer & Randonneur Extraordinaire // @manivelle.cc
Je roule jour et nuit, été comme hiver, seul ou en groupe. Parfois, je fait des 'courses' (quelle que soit la définition de ce mot de nos jours), mais la plupart du temps, je n'en parle pas. Je vais loin, je traverse les frontières, je prends des photos et je m'amuse. Je suis un randonneur. Alors oui, s'il ne restait qu'une seule échappée ? L'ultime. Je pense à la nuit...
La tentation est forte de choisir de remonter le Col de la Bonette ou le Mont Ventoux de nuit. Se retrouver entre amis avec ce sentiment d'escalader ces montagnes aussi discrètement qu'un loup et d'être récompensé par la vue du jour se lever sous nos yeux. Mais il me manquerait une emotion particulière - ou une saveur - autre chose qui me parle quand vous me dites que ce sera ma dernière sortie.
Alors ce soir, je prends la route tout seul, depuis chez moi à Marseille. Il est 19h, c'est le début de l'été et le soleil brille. Il me reste encore quelques heures avant le crépuscule et je quitte la ville par le Col de la Gineste en direction de Cassis et de la route côtière qui me mène à l'Est vers Nice, 250km plus loin
La lumière tombe rapidement, les repères s'étirent, les courbes se déforment et les changements d'élévation semblent flous. Les routes côtières généralement surpeuplées deviennent fluides et, à de nombreux endroits, désertes.
Les villes étincelantes sont des points de contrôle avec leur part de féérie. Certaines brillent de couleurs artificielles, d'autres affichent leurs propres traditions. La nuit a ses rituels et ses divertissements, parfois ivres.
Traverser des zones urbaines par l'intérieur et par l'extérieur des zones industrielles et des routes secondaires, c'est comme rencontrer une autre population. J'aime observer comme nous devenons un peuple different la nuit.
Rire sur des dodgems de foire ; un regard furtif et stupéfait d'un passant en pyjama promenant son chien ; la posture fière et macho d'un groupe d'hommes sur une terrasse de café ; un clin d'œil approbateur d'un cycliste de la ville. C'est une balade froide et mystérieuse à 3 heures du matin. Rouler à travers la nuit avec des lumières et du matériel réfléchissant fait de vous une sorte de curiosité passagère. Aperçu et sitôt reparti en un instant. Incongru.
Le jour approche sur la route de la côte d'or qui longe le Parc National de l'Esterel. La nature continue ses prouesses au lever du soleil qui réveille la Riviera. Nice se dévoile, les décorations du monde sont de nouveau en place et la lumière me rend à nouveau invisible et je me fond dans la normalité du jour.
Il est 8h00 du matin. Encore un café, s'il vous plaît.
